- DEUX POEMES -
Mon souhait est que vous atterrissiez ici par hasard, page aléatoire d’une autre personne, que vous vous mettiez à l’aise avec un bon casque sur les oreilles, au son de Ab Ovo de Joep Beving, bercé par les mots de David Whyte, et fuyiez un instant le profane…
Le monde n’attend QUE TOI
David Whyte
Ta plus grande erreur est de jouer dans le drame comme si tu en étais le seul acteur. Comme si la Vie était un crime progressif et rusé, sans témoin pour noter les minuscules transgressions cachées. Se sentir abandonné est nier la familiarité de notre entourage. Sûrement, toi-même parfois, tu as aperçu le grand tableau; la présence qui enfle, et le choeur du Monde qui couvre ta voix. Remarque comme le liquide vaisselle t’active, ou le loquet de la fenêtre t’ouvre à la liberté.
La vigilance est la discipline cachée de la familiarité.
Les escaliers sont les mentors des choses à venir, les portes sont toujours là pour t’effrayer ou t’inviter, et le petit haut-parleur de ton téléphone ton échelle à rêves divins.
Dépose le poids de ta solitude et participe à la conversation. La bouilloire siffle alors qu’elle remplit ta tasse, les marmites ont quitté leur arrogante distance et t’estiment enfin. Tous les oiseaux et toutes les créatures du monde sont inexorablement eux-mêmes. Le monde n’attend que toi.
QUELQUEFOIS
David Whyte
Quelquefois
si tu avances avec prudence
à travers la forêt,
en respirant
comme ceux
dans les vieilles histoires,
qui pouvaient traverser
un tapis de feuilles chatoyantes
sans un son,
tu arrives
à un endroit
dont l'unique tâche
est de t'importuner
avec d'infimes
mais effrayantes requêtes,
qui sortent de nulle part
mais qui dans cet endroit
commencent à mener partout.
Des requêtes à arrêter ce que
tu es en train de faire maintenant,
et
à arrêter ce que
tu es en train de devenir
pendant que tu le fais,
des questions
qui peuvent faire
ou défaire
une vie,
des questions
qui t'ont patiemment
attendu,
des questions
qui n'ont pas le droit
de disparaître.